Essentiels mais très précaires : les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) connaissent une situation pour le moins paradoxale. Alors que l’école se veut toujours plus inclusive, les professionnels – très majoritairement des femmes – voient leurs conditions de travail se dégrader d’année en année. Témoignages.

Mardi 16 décembre, la FSU a rassemblé une cinquantaine d’AESH à l’occasion d’une journée de mobilisation de la profession. Photo Le DL/T.C.

Gaëtan énumère ses dernières expériences : un mois et demi en primaire, deux au collège, trois en primaire, six en collège… « En deux ans, j’ai fait cinq établissements, de la maternelle au lycée professionnel », résume le Crestois.

S’il a demandé à deux reprises une réaffectation, l’accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH) a surtout l’impression d’être « une variable d’ajustement. J’en ai perdu le sommeil pendant un moment ». L’un des rares hommes dans un métier très féminin le reconnaît sans détour : il tient « pour les jeunes », mais prépare une reconversion.

Gaëtan n’est pas un cas isolé. Il suffit de demander à d’autres AESH de conter leur quotidien. « L’inclusion a ses limites. Comme il n’y a pas assez de places en IME [Institut médico-éducatif, NDLR], on accueille tous les enfants. On se fait frapper parfois, tirer les cheveux… Ce n’est pas normal », juge Karine, qui travaille dans la classe Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) d’un collège drômois.

Isabelle, une autre AESH dans le second degré, confirme : « L’institution est maltraitante pour les enfants, et parfois avec les adultes. »

Moins de 1 000 euros par mois et des temps partiels subis

Dans les écoles, les arrêts maladie se multiplient, les démissions aussi. « Beaucoup sont partis. Et quand on se met en arrêt, on n’est pas remplacés, les enfants ne sont plus accompagnés. Ça nous fait culpabiliser », souligne Karine. « Nous n’avons pas de statut, ce qui crée de l’ignorance pour nos collègues professeurs quant à la nature de nos missions. Cela engendre des tensions internes, de la maltraitance psychique », regrette Mélanie, AESH en primaire à Valence.

Au menu des demandes de certains enseignants : surveiller les récréations, ouvrir le portail le matin, servir le café ou même changer des couches… « Qui a envie de gagner 980 euros avec un emploi du temps qui change, des affectations qui évoluent et des conditions de travail aussi désastreuses ? Rien n’est attrayant », répond Marie-Pierre, une AESH en lycée à Grenoble et représentante académique de la profession pour la FSU.

Voici l’autre problème : le métier n’est pas du tout valorisé, avec des professionnels qui touchent moins que le Smic. « Depuis quinze ans que je fais ce métier, mon salaire a baissé », constate Karine. Avec des contrats de 24 heures par semaine, le temps partiel est majoritairement subi. Ce qui oblige certaines AESH, comme Mélanie, à cumuler un deuxième emploi.

Alors, la FSU revendique « la mise en place d’un véritable statut, de fonctionnaire de catégorie B », éclaire son co-secrétaire départemental dans la Drôme, Christophe Dumaillet. Enseignant dans le secondaire, il souhaite aussi ouvrir les possibilités d’évolution de carrière pour la profession.


Thibaut Carage pour le Dauphiné Libéré – Mardi 16 décembre 2025