Cet article de France Culture met en lumière des enjeux que le président Macron nient sciemment.


C’est un fait scientifiquement établi : le masculin générique n’est pas neutre, il induit un biais de représentativité vers le masculin. Une nouvelle étude de psycholinguistique révèle que les mots épicènes limitent ce biais alors que le point médian le supprime totalement.

Il y a un fait scientifique établi : le masculin n’est pas neutre. L’utilisation du masculin générique induit un biais de représentativité vers le masculin. Voici un exemple tiré d’une étude parue en 2008 : quand on demande à des volontaires des noms de candidats potentiels pour le poste de Premier ministre, les personnes interrogées citent plutôt des hommes. Alors que si on leur demande de citer des candidats ou des candidates potentielles, les sujets citent trois fois plus de femmes.


L’écriture inclusive pour limiter ces biais de genre :

Certaines formulations biaisent ce qu’on croit comprendre de la phrase. Le but de l’écriture inclusive est justement d’anéantir ou de limiter au maximum ces effets et pour ça il y a plusieurs stratégies. Léo Varnet est chargé de recherche au CNRS au Laboratoire des Systèmes Perceptifs de l’ENS de Paris : « On distingue plusieurs grandes stratégies. Il y a la neutralisation qui inclut les termes épicènes, par exemple : les instrumentistes. Il n’y a pas de marque qui indique le genre, est-ce que ce sont des instrumentistes hommes ou des instrumentistes femmes ? Et d’autre part, on a une autre stratégie d’écriture inclusive qui est la re-féminisation, qui peut prendre une forme double, comme les musiciens et les musiciennes, ou une forme à l’écrit avec un point médian qui est bien connu. Dans ce cas-là, ce seraient les musicien·ne·s. Donc une stratégie neutralisation dont les termes épicènes font partie et une stratégie de re-féminisation dont les formes doubles avec un point médian font partie. »


Tester ces stratégies en psycholinguistique

Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont voulu tester l’efficacité de ces deux stratégies pour supprimer les biais du genre. Pour cela, la méthodologie utilisée est assez classique en psycholinguistique : on mesure le temps que les participants et participantes mettent à répondre à une question. En l’occurrence, est-ce que ces deux phrases forment une suite logique ? Je prends un exemple avec un terme épicène donc neutre : l’athlète passe la ligne d’arrivée. C’est la première phrase. Seconde phrase : elle s’effondre ensuite de fatigue. Ces deux phrases forment bien une suite logique.

Le neutre n’est pas neutre

La question est la suivante : met-on davantage de temps à répondre que oui, ces deux phrases peuvent se suivre, quand la seconde phrase commence par “elle” par rapport à quand elle commence par “il” ? Est-ce que notre cerveau conclut trop vite qu’un terme épicène comme athlète renvoie au masculin ?

Léo Varnet, coauteur principal de cette étude parue dans Frontiers in Psychology : « Donc en fait, c’est exactement ça, c’est bien le cas. Les participants et participantes de l’étude mettent grosso modo une centaine de millisecondes de plus pour répondre quand la seconde phrase commence par « elle », alors que la première phrase contenait le mot l’athlète, donc sans marque de genre. Et donc c’est que la forme, l’épicène, « l’athlète », n’est pas complètement neutre pour le cerveau, on a tendance à supposer que cet athlète est un homme. Autrement dit, on a une représentation qui va être biaisée vers le masculin.« 

Le point médian supprime les biais de genre

La seconde partie de l’étude concerne l’effet du point médian. Léo Varnet : « Et la deuxième partie, on a reproduit la même expérience, mais en utilisant une forme double. Pour reprendre l’exemple de l’athlète, on va mettre, par exemple, un ou une athlète, écrit avec un point médian, un·e athlète. Dans ce cas-là, on a montré qu’il n’y a plus de différence de temps de traitement entre le masculin et le féminin. Les formes doubles génèrent bien des représentations équilibrées du point de vue du genre, puisqu’elles mentionnent explicitement les marques du masculin et du féminin, ce qui va forcer le cerveau à considérer les deux alternatives. »

Le neutre n’est pas neutre, alors que le point médian l’est bien. Mais il faut bien noter une chose : bien que les termes épicènes portent la marque de ce biais de représentativité vers le masculin, il est tout de même bien meilleur dans l’atténuation de ce biais de genre que le masculin générique. On parle ici de différence de 100 millisecondes. Alors que si on avait employé le terme sportif au lieu d’athlète, les volontaires auraient mis 300 millisecondes de plus à imaginer que cela puisse faire référence à une femme. Preuve que l’usage de termes épicènes est une solution, seulement ce n’est pas la meilleure comparé au point médian.