Une réunion entre le ministère et les organisations syndicales a finalement bien eu lieu mais quelques heures après la publication par la presse des principaux éléments d’une circulaire qui précise aux préfets les modalités d’organisation du pays en cas de délestage.
Le contexte international ainsi que l’état du parc nucléaire français (plusieurs centrales à l’arrêt) font, en effet, peser de lourdes tensions sur les capacités de production électrique du pays et laissent présager de très probables coupures d’électricité à partir du mois de janvier. La FSU est intervenue pour dénoncer la méthode employée qui rappelle la gestion ministérielle de la crise du Covid (information de dernière minute par les médias, ordre et contrordre, recommandations déconnectées de la réalité de terrain etc.). Cette réunion a aussi été l’occasion d’interroger le ministère sur les questions de fond (pourquoi l’Education nationale n’est pas prioritaire dans l’accès à l’énergie) mais aussi sur des points précis d’organisation des établissements.
Comme un air de déjà vu
La FSU a commencé par dénoncer la méthode. Comme aux plus grandes heures de la crise sanitaire, les informations ont fuité dans la presse sans qu’il n’y ait eu aucun échange avec les organisations syndicales. Comme un air de déjà vu, ou d’un mauvais épisode de retour vers le futur…
Pourtant, la FSU avait alerté dès la fin du mois d’août sur les perspectives d’un hiver sous haute tension et la nécessité de travailler cette question en amont. Le ministère répond que Matignon a exigé un embargo total sur les travaux en cours ce qui n’a pas permis les échanges souhaités ces derniers jours, y compris par la rue de Grenelle. Il n’empêche que même sans travailler sur la circulaire ces derniers jours, les alertes syndicales de la rentrée auraient du se traduire par un travail d’anticipation, dès le mois de septembre, autour de plusieurs hypothèses : quelles sont les conséquences concrètes dans l’Education d’un black out total ? De difficultés d’approvisionnement ? Le changement de méthode tant vantée par la nouvelle équipe ministérielle subit un premier accroc de taille.
Le principe
A l’exception des Dom et de la Corse, le territoire pourrait connaître des périodes de délestage, c’est-à-dire de coupure d’électricité.
A J-3, EcoWatt alertera sur les zones en tension, et le gouvernement activera une communication de crise pour inciter à accentuer les gestes de sobriété et éviter le délestage. A J-1, à 15h, les régions concernées par les délestages seront connues. Puis à J-1, 17h, chacun·e pourra, en se connectant sur le site d’Enedis, savoir ce qu’il en est, pour le lendemain, de son domicile ou de son adresse professionnelle.
Les coupures d’électricité se feront par tranche de 2h (8h-10h par exemple) sur chaque demi-journées. Les deux créneaux les plus « à risque » sont 8h-10h et 18h-20h. Un établissement scolaire pourra donc être fermé le matin pour cause de délestage. Il ne rouvrira que dans l’heure de midi, voire en début d’après-midi. Le ministère assure qu’un établissement ne sera pas délesté deux fois dans la même journée et que les collèges et les lycées ne subiront pas plus de trois délestages sur la période de crise (affirmation assez audacieuse quand on ne connaît pas la durée, ni l’intensité de la crise). Il ne devrait y avoir plus de 10 % des écoles et établissements délestés en même temps.
En population générale, dans les zones délestées, il devrait aussi y avoir des coupures de réseaux des téléphonie et d’internet et seul le 112 devrait fonctionner.
La FSU, dit sa surprise de ne pas voir l’Education nationale considérée comme prioritaire dans l’approvisionnement en énergie. Le ministère assure avoir plaidé pour une exonération de l’Education nationale des délestages mais qu’il n’a pas été possible d’obtenir cette dérogation vu l’état de nos infrastructures électriques. Pour le ministère, il n’était ensuite pas question de laisser les établissements ouverts sans lumière ou chauffage au regard des risques que cela fait courir aux usagers et aux personnels (pas d’alarme incendie, obscurité etc.). La FSU ne demande évidemment pas un fonctionnement dégradé mais que les établissements scolaires puissent fonctionner normalement, y compris en période de crise, ce qui implique que les établissements scolaires soient prioritaires dans l’approvisionnement en énergie.
Vu les conclusions gouvernementales, on peut déduire que la 7ème puissance mondiale n’est pas en mesure de faire fonctionner à la fois des services incontournables pour la vie du pays en même temps que l’Éducation nationale et ses milliers d’écoles, collèges et lycées. C’est révélateur de l’état de nos infrastructures et le sens des priorités gouvernementales qui conduit à des choix politiques synonymes de renoncement…
Les conséquences concrètes
Le SNES, avec la FSU, a pointé, un certain nombre de situations qui restent toujours sans réponse.
Transports scolaires
Le SNES-FSU a pointé les grandes difficultés à passer de deux rotations (matin et soir) à une rotation le midi et une le soir. Le ministère confirme la difficulté, s’est rapproché des collectivités territoriales, qui se montrent très sceptiques sur la possibilité de faire ce changement. Dans ce cas, les élèves ne pourront venir au collège ou au lycée de toute la journée.
Internats
Il semble difficilement imaginable qu’à J-1, à 17h à l’annonce de la fermeture des établissements scolaires, les familles puissent faire plusieurs dizaines de km pour venir chercher leurs enfants. Le ministère annonce que les internats resteront ouverts en utilisant leur système de sécurité propre (incendie/éclairage) qui doit leur permettre de tenir une coupure de 5 heures. Les établissements concernés sont invités à faire dans les plus brefs délais un exercice incendie et se rapprocher des collectivités territoriales pour des travaux nécessaires le cas échéant.
En dépit de ces précisions, beaucoup de questions restent posées sur la capacité des internats à tenir une nuit et une partie de la matinée en mode «délestage».
Droits des personnels
Les TER et RER seront concernés par les délestages et les personnels, en fonction de leur zone d’habitation (zones délestées) pourraient avoir des difficultés à joindre leur établissement en zone non délestée. Pour tout ce qui relève des droits des personnels, le ministère invite à se rapprocher de la Fonction publique…pour le SNES-FSU, les personnels ne devront faire l’objet d’injonctions et de pressions particulièrement malvenues en cette période de crise.
Cantines
Elles ouvriront (dans la mesure du possible), vraisemblablement avec des repas froids.
Continuité pédagogique
Le SNES-FSU a rappelé qu’il n’était pas question de revivre les épisodes Covid où les personnels étaient sommés d’assurer la continuité pédagogique sur la base de visio et autres dispositifs imposés. Le risque semble, de fait, écarté, puisqu’il n’y aura plus d’électricité et de réseau internet…
Informations des familles
Les familles et les élèves seront informés de la fermeture de l’établissement la veille, à 17h, par les canaux d’information de l’établissement (ENT notamment). Les effets de la fracture numérique sont pourtant bien réels. Il pourrait y avoir des trous dans la raquette et donc des élèves se présentant dans les établissements scolaires le lendemain. Le ministère assure qu’en cas de délestage, le ministère travaille à une intense campagne d’information et de communication pour toucher tous les publics.
Accueil des enfants des salariés non concernés par le délestage
La liste des professions concernées et des écoles qui pourraient accueillir les enfants est en cours.
Les prochaines semaines
Dans les prochaines semaines, les établissements vont devoir se préparer à ces possibles épisodes de crise : nouvel exercice incendie, vérification du matériel disponible (sifflet, torches etc), gestion du stock de papier (il faudra avoir une version papier du listing des coordonnées des élèves et des familles pour anticiper toute tension sur les réseaux qui rendrait impossible la connexion aux bases de données existantes). Une déclinaison éducation de la circulaire gouvernementale est en préparation pour la semaine prochaine et des fiches pratiques pour les établissements (que faire à J-1 etc) seront rapidement diffusées.
Le SNES, pour la FSU, a demandé qu’une nouvelle réunion soit organisée début janvier pour faire un nouveau point de situation, alors que la première quinzaine de janvier semble la plus critique.